COMITÉ DE LÉGISLATION

Comité de législation civile et criminelle et de féodalité, dit

Chargé d’établir un code de procédure civile, le Comité de législation est composé depuis août 1793 de 16 conventionnels parmi lesquels Cambacérès, Merlin de Douai, Couthon ou Lindet.
S’il ne parvint pas à finaliser le projet de code civil dont la Convention l’avait chargé, il s’impliqua grandement dans l’élaboration des lois révolutionnaires, réglementant le statut de l’émigré, la lutte contre la contrefaçon des assignats ou la loi des suspects du 17 septembre 1793.
Passé à 18 membres après thermidor, il hérite notamment de la surveillance des administrations civiles et judiciaires.

Sommaire

Origine et organisation du Comité de Législation

1789-1793 : évolution et réorganisations successives

Si son nom entier sous la Convention est Comité de Législation civile et criminelle et de féodalité, le Comité de Législation avait été créé dès le 14 septembre 1789 par la Constituante sous la simple appellation Comité de Législation criminelle. Son organisation interne connaîtra de nombreux remaniements(1)cf. Annie JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française, in Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 p. 2 ; Almanach national de France, l’an deuxième (…), imp. Testu, pp. 111-112.
Ses attributions s’étendent en même temps que ses appellations : le 13 octobre 1791,  l’Assemblée Législative le charge d’établir un code de procédure civile et un projet de code civil. Les projets de lois qu’il présente concernent tant les domaines constitutionnels, civils, d’organisation judiciaire, de droit civil ou criminel mais aussi de police, civile ou militaire. En octobre 1792, la Convention lui confie les attributions de l’ancien Comité de féodalité des précédentes législatures

Organisation durant l’an II

A la demande de Cambacérès, le Comité est réorganisé en deux sections après les journées des 31 mai/2 juin 1793 :

  • une section chargée de la refonte des codes civils et criminels
  • une section sur les rapports relatifs à des affaires renvoyées par la Convention

Originellement composé de 48 membres, son effectif est réduit à 16 en août 1793. Il remontera à 18 en prairial an II(2)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 pp. 2-3.

Le Comité de Législation siégeait au pavillon de la Liberté(3)cf. Almanach national de France, l’an deuxième (…), imp. Testu, p. 105.

Personnel et rôle du Comité de Législation jusqu’en Thermidor

Le Comité de Législation compta d’abord dans ses rangs Robert Lindet, Lepelletier, Saladin, les Girondins Lanjuinais, Vergiaud, Louvet et Buzot ou le dantoniste Phillipeaux. Cambacérès accéda à sa présidence dès décembre 1792, et Merlin de Douai y fit son entrée le mois suivant.
Tous deux s’y maintinrent après l’élimination des Girondins et des dantonistes, le premier se concentrant sur les projets de code civil et le second sur le droit pénal. S’y retrouvèrent en outre Azéma, Bar, Berlier, Bézard, Charlier, Delaunay aîné, Florent Guyot, Garran-Coulon, Génissieu, Lacoste, Oudot et Ricord(4)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 pp. 2-3.

Projets de codification

En août 1793, Cambacérès finalisa un projet de code civil, dont l’adoption est finalement ajournée en novembre en raison des troubles insistants qui agitent le pays(5)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 p. 6.
Suite au discours de Saint-Just du 26 germinal an II, le projet d’unification juridique est relancé. Une Commission de recensement des lois est créée au sein du Comité de législation. Son secrétaire général, Louis Rondonneau, travaille sous la direction de Cambacérès, Merlin de Douai et Couthon, lequel promet le 11 prairial la présentation imminente du projet général devant être achevé le 1er thermidor. Priorité est donnée à la rédaction des codes du gouvernement révolutionnaire, de la police et de la justice(6)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 9-10.

Parallèlement aux codes de lois, un recueil de lois dites « démocratiques », regroupant des aides et mesures visant à récompenser les sacrifices des patriotes et à souder les intérêts populaires à la Révolution. Cette tâche ne fut toutefois pas confiée à la Commission de recensement des lois, mais au Comité de salut public(7)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 16-19.

Le code de lois révolutionnaires

Le 27 messidor, Cambacérès annonça que des projets de codes relatifs à l’organisation du gouvernement (révolutionnaire comme constitutionnel), son action et ses moyens seraient dévoilés le 1er thermidor(8)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 9-10, d’après Mémoires inédits de Cambacérès, 2 vols., Perrin, 1999, I, p. 219-227. Le projet de code du gouvernement révolutionnaire en douze articles, organisant une hiérarchie et une délimitation claire des pouvoirs entre l’ensemble des organes et fonctions révolutionnaires, ne fut proposé à la Convention que le 17 thermidor. Il œuvre pour le maintien et l’affermissement du pouvoir révolutionnaire, et ne se démarque que nominalement de ses excès « terroristes« (9)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 13-14.

Les lois relatives aux réquisitions exercées sur tout le territoire en raison de l’effort de guerre y occupent une place particulièrement importante. Réparation des armes confiée aux imprimeurs et ouvriers, contribution des femmes à l’édification des tentes, à la confection des habits ou aux soins médicaux, production de charpie par les enfants, sollicitation des artistes et des savants, tous les Français se trouvaient théoriquement réquisitionnés « jusqu’au moment où les ennemis auront été chassés du territoire de la République française »(10)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, p. 15, d’après A. N., DXXXIX-11.

Participation aux mesures de salut public

Dès septembre 1792, le Comité est chargé de réglementer le statut de l’émigré, qui sera simplement désigné comme « toute personne qui a fui la patrie par lâcheté ou trahison »(11)cf. A. N., D III-380. C’est en outre à l’accusé d’apporter les preuves de son innocence. Avant l’adoption définitive du statut en février 1793, le Comité eut à se prononcer sur la faisabilité du procès de Louis XVI par les députés de la Convention. Il y répondit favorablement(12)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, p. 4.

C’est encore composé de Girondins que le Comité de Législation élabore les premiers projets de lois de salut public.
En réponse à des risques de pillages après des troubles survenus à Paris, il est chargé de proposer un projet de tribunal criminel extraordinaire. Plaidant pour son instauration immédiate à la Convention, Cambacérès l’inscrit dans un cadre exceptionnel, n’étant « établi que pour assurer la révolution et qui ne soit pas censé entrer dans le plan de l’organisation judiciaire »(13)cf. A. N., D III 54-58. Il propose vainement que ses séances se passent sans jurés, et le projet de Lindet fut adopté le lendemain 10 mars. Si deux de ses membres, Lanjuinais et Buzot, attaquèrent le projet devant la Convention, ils ne s’y étaient pas opposés au sein du Comité(14)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, pp. 4-5 (+ note 24).
Le 19 mars, Cambacérès introduisit la notion de hors-la-loi, ordonnant la mise à mort dans les vingt-quatre heures de « tous les rebelles pris les armes à la main ».

A la fin du mois, le Comité dut également livrer à la Convention des projets relatifs aux étrangers résidant en France, aux Français de séjour à Paris qui n’y avaient pas leur domicile, contre les vagabonds et les prêtres réfractaires, ces derniers étant sommés de quitter le territoire pour éviter la peine de mort ou la déportation. Il légiféra ensuite contre les nobles, les émigrés et ceux qui concourraient à déprécier les assignats(15)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, pp. 4-6.

C’est également le Comité de Législation qui dresse les actes d’accusation de Brissot en août 1793, comme il le fit pour Marat quatre mois auparavant.

En août 1793, avant les journées parisiennes des 4 et 5 septembre, la Convention le charge de fixer les modalités d’arrestation des citoyens suspects. Le projet, dont Merlin de Douai fut le rédacteur fut discuté à la Convention dès le dernier jour du mois, mais ne fut définitivement adopté que le 17 septembre connu sous le nom de loi des suspects(16)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, p. 6.

Le Comité de Législation après la chute de Robespierre

Des compétences encore accrues

Un mois après la chute de Robespierre, le Comité de Législation devient Comité de gouvernement, aux côtés des comités de Salut public et de Sûreté générale. Il collabore avec ce dernier dans le cadre des réquisitions à l’encontre des députés mis hors-la-loi, et de mesures d’arrestation à l’encontre de suspects(17)cf. E. CADIO, Le Comité de sûreté générale (1792-1795), in La Révolution française — Cahiers de l’IHRF 3|2012, p. 10.

Le 17 fructidor an II, outre ses missions de préparation de projets de lois, de recensement et de classification de celle déjà existantes, le Comité de Législation se voit attribué des pouvoirs de surveillance des administrations civiles et judiciaires, pouvant aller jusqu’à la suspension ou la destitution. Le comité se retrouva ainsi chargé au printemps de l’an III d’enquêter sur les représentants en mission de l’an II(18)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 3, 8.

Cambacérès et Merlin de Douai, avocats des lois révolutionnaires après Thermidor

Le 14 thermidor, alors que l’arrestation de Fouquier-Tinville pose la question de la suppression du Tribunal révolutionnaire, Merlin de Douai intervient à la Convention pour défendre l’institution, en même temps que la loi du 22 prairial(19)cf. Réédition de l’ancien Moniteur, t. XXI, p. 369. S’il n’est pas écouté pour la loi, dénoncée presque unanimement par les Montagnards, il continue le 23 thermidor à défendre le maintien du Tribunal avec le minimum de changements nécessaires pour éviter les abus constatés depuis la loi du 22 prairial. En frimaire an III(20)Séance du 25 frimaire an III. Cf. Réédition de l’ancien Moniteur, t. XXII, p. 770, il s’oppose à la réintégration des Girondins mis hors-la-loi(21)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 6-7 ; A. JOURDAN, Les discours de la Terreur à l’époque révolutionnaire, in French Historical Studies, 2013, pp. 68-69 (+ note 91).

Réferences

Réferences
1 cf. Annie JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française, in Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 p. 2 ; Almanach national de France, l’an deuxième (…), imp. Testu, pp. 111-112
2, 4 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 pp. 2-3
3 cf. Almanach national de France, l’an deuxième (…), imp. Testu, p. 105
5 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012 p. 6
6 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 9-10
7 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 16-19
8 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 9-10, d’après Mémoires inédits de Cambacérès, 2 vols., Perrin, 1999, I, p. 219-227
9 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, pp. 13-14
10 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, p. 15, d’après A. N., DXXXIX-11
11 cf. A. N., D III-380
12 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, p. 4
13 cf. A. N., D III 54-58
14 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, pp. 4-5 (+ note 24)
15 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 3|2012, pp. 4-6
16 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012, p. 6
17 cf. E. CADIO, Le Comité de sûreté générale (1792-1795), in La Révolution française — Cahiers de l’IHRF 3|2012, p. 10
18 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 3, 8
19 cf. Réédition de l’ancien Moniteur, t. XXI, p. 369
20 Séance du 25 frimaire an III. Cf. Réédition de l’ancien Moniteur, t. XXII, p. 770
21 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois, in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 pp. 6-7 ; A. JOURDAN, Les discours de la Terreur à l’époque révolutionnaire, in French Historical Studies, 2013, pp. 68-69 (+ note 91)
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